Le gouvernement réduit le périmètre des projets soumis à évaluation environnementale

Le décret réduisant le périmètre des projets soumis à étude d’impact est paru. Des ONG pointent des régressions du droit de l’environnement en même temps qu’une fragilisation juridique des projets impactés.

Tenir compte du retour d’expérience des services de l’Etat et des maîtres d’ouvrage. Telle est la motivation principale avancée par le ministère de la Transition écologique pour réduire le champ des projets soumis à évaluation environnementale, fixé par la nomenclature figurant à l’annexe de l’article R. 122-2 du code de l’environnement. Cette simplification est opérée par un décret publié ce mardi 5 juin au Journal officiel après avoir fait l’objet d’une consultation du public en mars dernier. Une consultation qui a été lancée en même temps que deux autres textes touchant l’évaluation environnementale : l’un portant sur la Guyane, l’autre sur la simplification de la filière éolienne, sans coordination apparente.

Cette consultation a donné lieu à de très nombreuses réactions, souvent hostiles, au moment où le gouvernement s’attaque à d’autres garde-fous comme la loi littoral. Ainsi, France Nature Environnement (FNE) a pointé la perception de l’évaluation environnementale par les auteurs du texte qui y voient « un frein au développement économique » alors, selon elle, qu’elle devrait être perçue comme un processus permettant d’améliorer un projet. « La fragilité juridique du (…) texte risque une nouvelle fois d’être relevée, directement ou par voie d’exception, par ceux qui voudront s’opposer aux autorisations accordées dans le cadre rénové de la réglementation« , avait aussi prévenu la fédération d’associations.

Ces réactions n’ont toutefois pas ébranlé le gouvernement qui n’a apporté quasiment aucune modification au texte. Ce dernier impacte toujours les mêmes catégories de projets, à savoir les installations Seveso, les forages en profondeur, les canalisations de transport d’eau, de vapeur ou de gaz, les travaux de construction et opérations d’aménagement, ainsi que les équipements sportifs.

Evaluation limitée pour les installations Seveso

Concernant les installations Seveso visées par la rubrique n°1 dédiée aux installations classées (ICPE), le décret limite l’obligation d’évaluation environnementale aux seules créations d’établissement ou aux modifications faisant entrer un établissement dans cette catégorie. Dans les autres cas de modifications substantielles, il y aura examen au cas par cas par l’autorité environnementale qui pourra considérer que l’évaluation n’est pas nécessaire. En outre, le décret précise qu’un établissement est « un ensemble d’installations relevant d’un même exploitant sur un même site« . Les établissements composites, c’est-à-dire comptant plusieurs exploitants, ne seraient « plus soumis de facto à évaluation environnementale mais seulement à une évaluation au cas par cas« , a dénoncé FNE au moment de la consultation.

Le décret modifie ensuite la rubrique n°27 de la nomenclature relative aux forages en profondeur. Il exclut tous les projets de géothermie de minime importance (GMI) de l’obligation d’évaluation, que celle-ci soit systématique ou au cas par cas. Jusque-là, les forages de plus de 100 mètres étaient soumis à un examen au cas par cas. « Quand on touche à la biodiversité et l’environnement, la moindre action peut avoir un impact considérable et grave, d’autant plus que les activités de GMI peuvent aller jusqu’à 200 mètres de profondeur, ce qui est largement suffisant pour occasionner des dégâts considérables, comme le prouve l’exemple de Lochwiller« , a vainement plaidé l’association Humanité et Biodiversité, qui n’est pas parvenu à préserver l’examen au cas par cas.

Les canalisations impactées

Le texte modifie également les rubriques n°35 et 37 qui visent respectivement les canalisations de transport d’eau et celles de vapeur d’eau. Ces installations passent d’une évaluation systématique à un examen au cas par cas au-delà d’un certain seuil. Ce seuil, exprimé par le produit du diamètre extérieur par la longueur du réseau de transport aller et retour, est de 10.000 m2 pour les premières et de 4.000 m2 pour les secondes. Le ministère justifie cet allègement par le « faible impact potentiel sur l’environnement » de ces installations, qui ne consomment pas d’eau et n’émettent pas de rejets. « Nous avons à faire à une régression du droit de l’environnement« , avait en revanche pointé Humanité et Biodiversité, alors que le principe de non-régression a été inscrit dans le code de l’environnement par la loi de reconquête de la biodiversité d’août 2016.

Le gouvernement modifie ensuite les rubriques portant sur les installations de transport de matières dangereuses. La rédaction de ces rubriques a en revanche évolué depuis la consultation publique. La rubrique n°37 vise désormais les canalisations de transport de gaz inflammables, nocifs ou toxiques, et de dioxyde de carbone en vue de son stockage géologique. Ces canalisations sont systématiquement soumises à évaluation environnementale lorsque leur diamètre est supérieur à 800 millimètres et la longueur supérieure à 40 kilomètres, et à un examen au cas par cas lorsque le produit du diamètre par la longueur est supérieur à 500 m2 ou la longueur supérieure à 2 kilomètres. La rubrique n°38 vise quant à elle les canalisations de transport de fluides autres que ceux visés aux rubriques 22 et 35 à 37 (eau, vapeur, gaz inflammables, dioxyde de carbone). Les seuils de l’évaluation systématique (pétrole et produits chimiques uniquement) et de l’examen au cas par cas sont harmonisés avec ceux de la rubrique n°37. « Le changement de paramètre de seuil retenu par la rubrique 38 (…) pourrait être qualifié de régression« , avait également pointé l’avocat Emmanuel Wormser alors que le projet de texte avait supprimé toute évaluation systématique.

Constructions : focaliser les études sur les travaux les plus impactants

Enfin, le décret modifie la rubrique n°39 qui vise les travaux, constructions et opérations d’aménagement. L’objectif du ministère est de focaliser les études d’impact sur les travaux les plus impactants en écartant le critère du « terrain d’assiette » pour les constructions. La rubrique distingue donc désormais les travaux et constructions, d’un côté, les opérations d’aménagement de l’autre. Les premiers sont soumis à évaluation environnementale systématique, dès lors qu’ils créent une surface de plancher ou ont une emprise au sol supérieure à 40.000 m2, et à un examen au cas par cas à partir de 10.000 m2. Pour les opérations d’aménagement, les seuils sont de 10 hectares de terrain d’assiette ou de 40.000 m2 de surface de plancher pour l’évaluation systématique, et de 5 hectares et 10.000 m2 pour l’examen au cas par cas, sans changement par rapport à la réglementation existante.

Le texte supprime en revanche de la rubrique l’indication selon laquelle les composantes d’un projet sont dispensées d’évaluation environnementale si le projet fait l’objet d’une étude d’impact ou en a été dispensé après examen au cas par cas. « Cette suppression conduit à priver les porteurs de projet d’une simplification de la procédure, dès lors que cette disposition peut être interprétée comme dispensant d’évaluation environnementale une demande de permis de construire lorsqu’une telle étude a été réalisée pour la création de l’installation nécessitant le permis de construire« , avait expliqué Héléna Ripoche d’EDF lors de la consultation.

Enfin, le décret modifie la rubrique n°44 de la nomenclature dédiée aux équipements sportifs, culturels ou de loisirs. Les équipements, autres que les pistes d’essais, les parcs d’attraction et les terrains de golf sont soumis à la procédure du cas par cas dès lors qu’ils sont susceptibles d’accueillir plus de 1.000 personnes. Cette modification fait suite à la décision du Conseil d’Etat du 8 décembre 2017 qui avait supprimé le seuil de 5.000 personnes existant pour violation du principe de non-régression du droit de l’environnement. Le décret abaisse certes ce seuil par rapport à la disposition annulée mais il en rétablit également un. « Le critère du nombre de personnes est non pertinent et contraire au droit et à la jurisprudence communautaires. Il n’y a pas de corrélation entre ce critère et les atteintes potentielles aux milieux naturels« , a pointé la Fédération Allier Nature à l’origine de cette annulation. Pour l’ONG, la reprise de ce seuil résultant du décret du 11 août 2016 relatif à l’évaluation environnementale est également « contraire au principe de non régression« .

Laurent Radisson – France Nature Environnement